Pionnière en Europe, la récente loi approuvée par le Parlement catalan fixe les normes générales pour la constitution, l’organisation et le fonctionnement des associations et clubs de consommateurs, et définit également, pour la première fois, la culture dans le cadre législatif espagnol actuel en permettant une production de 150 kilos de cannabis par an pour chaque club cannabique.

Le cannabis a remporté un nouveau périple législatif. Le Parlement de Catalogne a approuvé, avec 118 votes pour, la loi des associations de consommateurs de cannabis. Après plus de deux ans depuis l’acceptation de sa proposition en tant qu’initiative législative populaire (ILP), cette norme de régulation du cannabis en Catalogne a été adoptée avec le soutien de Junts pel Sí (JxSí), Ciudadanos, le Parti des Socialistes de Catalogne (PSC), Catalunya Sí que es Pot (CSQP) et la Candidature d’Unité Populaire (CUP). Un succès pour les amateurs de cannabis qui permet, pour la première fois en Espagne, de connaître toutes les conditions nécessaires pour qu’une culture de cannabis ne soit pas saisie par la police.

Avec un contenu enrichi, la nouvelle loi, qui entrera en vigueur le lendemain de sa publication au bulletin officiel de la Generalitat de Catalogne, est basée sur le respect des droits et des libertés fondamentales. Comme indiqué dans l’exposé de ses motifs, « la consommation de cannabis par des personnes adultes, dans un cadre privé, pour des raisons ludiques ou thérapeutiques, est le respect du droit fondamental à la liberté qui se projette sur la liberté de conscience et la libre disposition du propre corps, ainsi que sur le respect du droit à la santé et du droit des personnes aux thérapies et traitements qu’elles choisissent librement ».

En partant de ces prémisses, la norme, à travers ses 36 articles regroupés en neuf chapitres, a pour objectif principal d’établir le modèle d’activité des associations de consommateurs de cannabis et les normes générales pour leur constitution, leur organisation et leur fonctionnement, ainsi que celles de leurs clubs. Pour ce faire, elle définit, par exemple, les caractéristiques des membres, les quantités qu’ils peuvent consommer et la façon dont ils peuvent consommer.

Qui peut acquérir et consommer du cannabis en Catalogne ?

Comme l’indique le nom de la loi, cette régulation est destinée aux associations de consommateurs de cannabis. Ainsi, leurs membres sont ceux qui peuvent en bénéficier. Pour ce faire, trois conditions sont nécessaires : être majeur, être un consommateur de cannabis et être parrainé par un autre membre pour faire partie de l’association ou du club.

Cependant, pour éviter le tourisme cannabique (l’un des plus grands risques soulignés par ceux qui s’opposent à ce type de législations), la règlementation stipule un délai minimum de 15 jours à partir du moment où le membre demande son adhésion au club jusqu’au moment où il peut y acquérir du cannabis.

De plus, la loi stipule également les conditions que devront respecter les associations et les clubs pour bénéficier de la régulation. Dans ce cas, ils devront être domiciliés ou développer leurs activités dans cette communauté autonome, et devront obligatoirement être préalablement inscrits dans la section spécifique du Registre des Associations de la Generalitat de Catalogne, où sera spécifiquement indiquée leur activité cannabique.

Quelles sont les quantités de cannabis autorisées ?

Pour leur bon fonctionnement, la règlementation stipule également que les associations devront avoir des membres fondateurs responsables de la distribution. Ceux-ci seront chargés de garantir le contrôle de la quantité et des propriétés du cannabis, et de fournir aux autres membres les informations nécessaires sur la consommation et la prévention des risques et la réduction de dommages liés au marché clandestin.

En ce sens, des quantités d’approvisionnement sont établies pour chaque type de membre. Par exemple, les personnes âgées de plus de 21 ans pourront acquérir jusqu’à 60 grammes par mois, alors que les personnes âgées de 18 à 21 ans ne pourront pas avoir plus de 20 grammes par mois. Ceci sera contrôlé à travers un livre de comptes où seront comptabilisées les quantités acquises et les dates correspondantes.

En revanche, ces limites disparaissent si la consommation a lieu à des fins médicales. Bien que, dans ces cas, les associations qui proposent des services médicaux ou thérapeutiques pour leurs membres devront obligatoirement intégrer des professionnels de la médicine dûment diplômés pour réaliser le suivi des patients.

Où peut-on consommer du cannabis ?

En ce sens, la loi catalane se centre sur les clubs de consommateurs et de fumeurs de cannabis en tant que lieux à caractère privé. Par conséquent, aussi bien la distribution que la consommation y sera autorisée pour les membres.

Malgré cela, certaines normes ont été établies, comme par exemple le fait que les espaces destinés à l’accueil du public ou les espaces auxquels peuvent accéder d’autres personnes non membres devront être totalement séparés des espaces destinés à la consommation ou à la distribution. De plus, la consommation d’alcool et de produits alimentaires contenant du cannabis est interdite dans ces associations.

Qui contrôle la culture et le transport ?

Les associations sont les seules autorisées à cultiver du cannabis en Catalogne. Pour leurs plantations, elles devront obtenir un rapport d’expertise préalable qui garantisse les mesures appropriées de contrôle d’hygiène et sanitaire. 

La loi stipule également que la production ne devra pas dépasser 150 kilos de cannabis sec par an. Cette quantité a été calculée comme étant la quantité idéale pour approvisionner un club de 500 à 1 000 membres, chacun d’entre eux ayant une consommation maximale de 60 grammes par mois, réduite à 20 grammes dans le cas des membres âgés de 18 à 21 ans. 

Une fois le contrôle de la récolte effectué et le volume final de la production quantifié, sera émise une autorisation écrite pour le transport de la culture jusqu’à l’établissement prévu pour la distribution contrôlée. La règlementation stipule que ces déplacements ne seront en aucun cas réalisés par un moyen de transport collectif. De plus, les contenants devront être parfaitement emballés et identifiés avec les informations concernant l’association et le transporteur, la destination du transport et la quantité et le type de produit qu’ils renferment.

La lutte des associations de consommateurs

Cette nouvelle loi est le fruit des efforts déployés par les associations pro-cannabiques pour obtenir une régulation juste en Catalogne. Les derniers mouvements parlementaires en faveur de la plante ont commencé en 2014, lorsque le Parlement a approuvé une résolution demandant à ses députés de concevoir une règlementation pour ces clubs dans un délai de six mois. Cependant, face à l’immobilisme et au manque de consensus entre les groupes, l’organisation La Rosa Verda a organisé une collecte de signatures qui lui a permis de présenter l’ILP. Au total, plus de 56 000 signatures ont été recueillies, et jointes à la proposition de loi d’avril 2015.

Depuis lors, l’actuelle règlementation a connu diverses négociations pour lesquelles sont intervenues plus de 30 experts, parmi lesquels se trouvaient des médecins, des psychologues, des sociologues, des pharmacologues ou d’anciens magistrats.

Au Parlement, de nombreuses voix se sont élevées en faveur de la nouvelle règlementation. Après son approbation, la députée de JxSí, Alba Vergés, a déclaré se sentir « fière » de la loi, qu’elle considère « complète ». Le représentant de Catalunya Sí Que Es Pot, Albano Dante Fachin, a vanté la nouvelle règlementation qui, selon lui, « vient d’en bas, comme les plantes de cannabis », puisqu’elle est le fruit de l’initiative populaire.

Malgré cela, la nouvelle mesure n’est pas exempte de controverse. Le Parti Populaire de Catalogne, contre la loi, a prévenu ses instigateurs de la possible intention de la porter devant le Tribunal Constitutionnel, comme ce fut déjà le cas en 2016 avec son homonyme au Pays Basque, et qui est actuellement suspendue par cet organisme en raison de l’allégation d’un conflit de compétences. Cependant, ses instigateurs déclarent se sentir sereins car, selon l’un de leurs porte-paroles, Oriol Casals, faire appel contre cette loi serait une « erreur historique » car « elle s’inscrit dans le cadre de la Constitution et du Statut d’autonomie de la Catalogne».

Quel que soit son avenir, la nouvelle règlementation catalane répond à une demande sociale en faveur du cannabis qui pourrait même servir à soutenir toutes les réformes législatives nécessaires pour inclure la libre consommation de cannabis.