Il est connu que l’être humain est le seul animal qui trébuche deux fois sur la même pierre, mais en Espagne on peut se vanter d’avoir en plus des hommes politiques qui s’entêtent à tomber une et mille fois sur le même écueil. Malgré le fait qu’il est maintenant plus qu’évident que poursuivre les fumeurs n’est pas la bonne solution, les nouvelles lois du Gouvernement de Rajoy ne cherchent pas à réglementer la consommation de cannabis, mais à augmenter les sanctions pour punir les consommateurs avec une plus grande fermeté.

(Nous ne sommes pas des criminels… 

... Nous sommes des artistes, avocats, chanteurs, parents, athlètes, journalistes, stylistes, enseignants, concepteurs, annonceurs, architectes, sociologues, présidents, ingénieurs, photographes, techniciens, militants, charpentiers, pilotes, médecins, administrateurs, vendeurs, scientifiques ...

Nous sommes des gens normaux comme vous et nous sommes partout) 

L’Espagne est l’un des pays les plus touchés par la crise où les grands manitous se vantent devant leurs adversaires politiques d’entrevoir “des pousses vertes” à la fin du tunnel, mais il est cependant l’un des plus réticents à autoriser la consommation de la Marie-Jeanne. Aussi bien de l’autre côté de l’Atlantique qu’en Europe, les dirigeants qui ont décidé de faire le grand saut vers le XXIème siècle sont nombreux, tandis qu’en Espagne le gouvernement a décidé de durcir les amendes en matière de consommation et culture de cannabis à travers sa nouvelle Loi de Protection pour la Sécurité des Citoyens, connue aussi sous le nom de “Loi Mordaza” (Loi Bâillon).

Alors que l’expérience nous montre avec des exemples de plus en plus nombreux qu’il est plus efficace de réglementer que de poursuivre la consommation de cannabis, le gouvernement de Mariano Rajoy semble prêt à continuer sur le chemin du châtiment et de la répression. En 2011 déjà, alors que la guerre contre la drogue initiée par le président américain Richard Nixon fêtait ses 40 ans, la Commission Globale sur les Politiques en matière de Drogue pointait vers une autre direction. La guerre contre la drogue semble bel et bien un échec, nous ne pouvons pas prétendre qu’elle soit un succès”. 

C’est avec cette grande fermeté que s’est prononcé ce comité formé d’ex-présidents de différents gouvernements, d’hommes d’affaires et de personnalités de venues de plusieurs horizons, parmi lesquelles Kofi Annan, Mario Vargas Llosa, Fernando Henrique Cardoso, George Shultz ou Javier Solana. Sa proposition est bien différente de celle qui avait été appliquée jusqu’à cette date par la majorité des gouvernements.

 

 

Suivant ces conseils, des pays tels que l’Uruguay, les États-Unis, le Mexique ou l’Argentine ont décidé de changer de cap et de mettre en place de nouvelles stratégies pour combattre le marché noir et, au passage, tirer profit d’un business extrêmement rentable. Mais ce n’est pas le cas de l’Espagne. Dans ce pays, les hommes politiques préfèrent augmenter les sanctions sur ceux qui sont surpris dans la rue avec du cannabis. Peu importe si c’est pour la revendre ou pour la consommer. Les peines minimums, que la loi précédente fixait à 300 euros, seront désormais de 1.001 euros.

Devant un tel panorama, le fait que la consommation privée soit légale n’a pas beaucoup d’importance. La loi que le Gouvernement veut faire passer –et n’oublions pas qu’il a la majorité absolue- - prévoit aussi des amendes pour ceux qui possèdent une plante de cannabis à la maison pour l’autoconsommation.

 

On ne sait pas encore avec certitude si un mandat sera nécessaire pour que les autorités puissent accéder à l’appartement où se trouve la plante ou si le seul fait de la voir de l’extérieur suffira, dans le cas où elle serait située sur le balcon, à mettre une amende. Quoi qu’il en soit, tous ceux qui ont une plante de Marie-Jeanne dans son appartement pourraient être amenés à gratter leur fond de poche pour payer des amendes qui vont de 1.001 jusqu’à 30.000 euros.

Et ce n’est pas fini. L’Exécutif envisage également de modifier la Loi de Trafic pour appliquer des sanctions aux conducteurs qui seraient positifs au test. Qu’ils aient consommé peu ou beaucoup de cannabis ou qu’ils soient fumeurs passifs n’a aucune importance : la plus petite quantité de substance décelée sera un motif suffisant pour mettre une amende.

 

Retour au passé

Aucune raison logique ne semble exister pour aller à contre-courant, comme veut faire le Gouvernement de Rajoy. Pendant qu’aux États-Unis on avance à pas de géant et qu’en Amérique Latine les pays prêts à arracher le pouvoir aux cartels sont nombreux, en Espagne on fait tout le contraire. Et on a également fait la sourde oreille aux mesures adoptées par leurs partenaires du Vieux Continent.

Prenons l’exemple de la Suisse qui a dépénalisé en octobre dernier la possession de cannabis pour un usage personnel. Ou celui de la capitale du Danemark, Copenhague, qui va mettre en place une expérience pour que la ville elle-même produise et distribue le cannabis. Ou alors le cas de nos voisins portugais qui ont dépénalisé complètement la possession et la consommation de Marie-Jeanne il y a plus de dix ans. Sans oublier ce qui se passe en Allemagne où 106 juges de Droit Pénal ont signé un manifeste en faveur de la dépénalisation du cannabis.

Et puis il ne s’agit pas seulement de ne pas aller de l’avant, puisque le Gouvernement oblige même les institutions qui ont volontairement prouvé que l’on peut avancer, à retrousser chemin. Avec la nouvelle “Loi Mordaza” on essaye aussi de mettre un frein aux processus de régulation entamés par les Clubs Sociaux de Cannabis en Catalogne et au Pays Basque. Dans ces communautés autonomiques, on a tenté d’avoir une avance sur la législation de l’État et combler le vide légal existant, en suivant les règles qui ont démontré que la régulation est plus efficace que la persécution.

Mais nos grands manitous s’efforcent de continuer sur un chemin qui ne conduit nulle part. Pendant que les gouvernements des Caraïbes cherchent à obtenir leur part du gâteau en utilisant les ressources naturelles dont ils disposent, tout en reconnaissant les droits des fumeurs et en diminuant la capacité d’action des cartels, en Espagne, la feuille de route va totalement dans l’autre sens. On diminue les droits des consommateurs de cannabis et, au lieu de poursuivre le marché noir pour récupérer les bénéfices qu’il engendre, ils cherchent à remplir les caisses de l’État avec l’argent de ceux qui consomment de la Marie-Jeanne.

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Source d’information : El País (et 2), Eldiario.es, El Periódico et Cannabis.