Offrir des produits que les propres consommateurs ne connaissent pas dans le but de façonner leurs goûts ou utiliser un vocabulaire faisant ressortir leur caractère naturel. Voici quelques-unes des clefs que les marques de bières artisanales utilisent et dont les cannabiculteurs devraient s'inspirer, car l’effort et le travail acharné a fini par attirer l’attention des grandes entreprises intéressées par le savoir-faire de ces petites brasseries.

Des lieux de réunions sociales et de l’ambroisie pour beaucoup, la bière est une boisson indispensable dans la vie des gens. Lors des dernières années, il y a eu un véritable boom des bières artisanales, avec la naissance de nouvelles marques allant bien au-delà de l’offre des supermarchés et des bars, et grâce auxquelles se distinguent certains restaurants, bar hipsters ou pubs. Un loisir si globalisé et étendu devrait être combiné à un autre que nous adorons et qui est en pleine expansion : le cannabis

Pendant que les brasseries artisanales font des adeptes, l’industrie cannabique a encore beaucoup à apprendre d’elles et devrait même rechercher de possibles alliances. La science elle-même l'explique : le houblon et le cannabis ont des terpènes en commun, qui donnent ces touches terreuses et citriques. Mais aussi l’histoire : le cannabis et les bières artisanales ont grandi en nageant à contre-courant, et alors que la plante avance chaque jour dans une quête de régulation mondiale, la bière artisanale a commencé à s'étendre lors des dernières décennies, et des pays comme les Etats-Unis ont réduit leurs impôts pour les petits producteurs.

Mais au-delà de ça, il y a l’aspect industriel. Parmi les leçons à apprendre pour l’industrie cannabique, vous pouvez trouver la présentation de produits intéressants et variés : le catalogue de bières est très large, pour que les consommateurs sachent quoi choisir. Dans ces catalogues, des mots à la mode dans les catalogues de bières artisanales pourraient également être utilisées : « Artisanales » ou « cultivée de façon durable » peuvent séduire les producteurs, parce qu’ils transmettent des concepts de culture écologique. Une autre option serait d’aller plus loin et d’offrir une transparence aux consommateurs, en dévoilant les processus utilisés pour obtenir un cannabis organique.

Et le feedback des consommateurs est ce qui permet d’obtenir un catalogue de bières s'adaptant aux goûts des clients, une autre chose dont les cannabiculteurs pourraient s’inspirer. Tony Magee, fondateur et PDG de la brasserie artisanale américaine Lagunitas Brewing Company (une des principales du pays), explique que lorsque la bière artisanale est devenue populaire dans le monde entier, les marques ont commencé à créer des bières de plus en plus fortes. Mais avec le temps, elles se sont adoucies, car les consommateurs s'exprimaient. « Nous proposons, vous choisissez. Les entreprises apprennent en voyant la réaction des consommateurs », dit Tony Magee.

Les dispensaires peuvent aussi établir des relations fortes avec leurs clients en leur offrant « des expériences et des folies », selon Tony Magee, comme lorsqu’ils leur font visiter les fabriques et leur offrent des échantillons.

Miser sur les produits comestibles et les huiles

Nous avons précédemment dit que les consommateurs adaptaient leurs goûts lorsqu'on leur proposait de nouveaux produits dont ils ignoraient l’existence. L’industrie cannabique devrait faire pareil, et Aaron Smith, directeur général de l’Association nationale du cannabis aux Etats-Unis (Tony Magee a participé à une réunion pour donner son avis), mise sur les huiles de cannabis et les produits comestibles. Certaines statistiques montrent un intérêt croissant pour ces derniers. Selon une étude du cabinet de consultants cannabiques BDS Analytics, en se basant sur des données de 2015 et 2016, les concentrés et les aliments ont respectivement grimpé en popularité de 125 % et 53 %, alors que les fleurs sèches seulement de 11 %.

Toutes ces variables doivent être prises en compte, pendant cette vague de légalisations et pour que le marché ne prenne personne au dépourvu. « Vous devez y penser aujourd’hui », conseille Tony Magee, « planter les types de graines corrects et créer les entreprises qui pourront s'adapter aux restrictions futures actuellement absentes ».

Le lien entre la bière et le cannabis

Mais alors que les bières artisanales nous donnent quelques idées, elles nous préviennent également. Tony Magee, qui a fondé Lagunitas en 1993, affirme que les entreprises pionnières de l’industrie cannabique seront rapidement l’objet du désir des grandes entreprises. Et il sait de quoi il parle, puisque Heineken a acheté Lagunitas en 2017. Tony Magee considère que l’industrie du cannabis sera « beaucoup plus grande » à l'avenir que celle de sa boisson artisanale et que les grands acteurs de l’industrie peuvent aider les petits à grandir ou à s’internationaliser.

Certains producteurs de tabac sont déjà intéressés par le cannabis, mais ce ne sont pas les seuls puisque l'industrie brassicole est également proche de la plante. Constellation Brands, propriétaire de marques comme Corona, a acheté en 2017 9,9 % de Canopy Growth Corp., une multinationale canadienne de cannabis médicinal. D’autre part, certaines bières artisanales mélangent les fleurs de la plante avec de l'orge ou du houblon. Lagunitas elle-même affiche dans son catalogue la SuperCritical Ale, avec des terpènes et des composés extraits de la plante mais sans THC.

Ces mouvements se déroulent dans une société dans laquelle la bière au cannabis est faite pour une consommation récréative. Par exemple, rien que dans la ville d’Aspen (Colorado, où les légalisations des usages récréatifs et médicinaux du cannabis sont en cours), les fournisseurs déclaraient 11,3 millions de dollars (9,45 millions d’euros) de revenus en 2017, alors que les vendeurs d’alcool seulement 10,5 millions de dollars (8,78 millions d’euros).

« Je ne connais personne dans le milieu de la bière artisanale, je dis bien personne, qui ne fume pas de cannabis », a affirmé Tony Magee, qui a également affirmé que les deux étaient connectés dans les futures collaborations. Pour le moment, selon lui, certains cannabiculteurs sont en relation avec des cultivateurs de houblon de l'Etat de Washington. Si les brasseurs aiment tant la plante, nous pouvons être sûrs que les synergies entre les deux camps peuvent coller à la perfection, et que les entrepreneurs de l'industrie de bière pourront donner des conseils très intéressants à leurs homologues sur cette plante.