Le séquençage du génome complet de la plante de cannabis et la description de leur structure marquent un point de repère scientifique ouvrant la voie au développement de nouveaux produits de consommation et pharmaceutiques dérivés du cannabis. Cela peut également encourager définitivement l'industrie cannabique.

Bien que différentes études aient démontré les bienfaits du cannabis pour la santé grâce à ses propriétés analgésiques et anti-inflammatoires, entre autres, et que l'Organisation mondiale de la santé ait reconnu son potentiel thérapeutique, le cannabis médicinale est toujours un domaine de recherche peu exploré. Il y a encore de nombreuses zones d'ombre, comme par exemple, en ce qui concerne les formats d'administration les plus efficaces, ou les types de maladies dont les symptômes peuvent être soulagés.

Toutefois, une prouesse scientifique récente a marqué un tournant tant dans le domaine de la recherche que dans l’industrie du cannabis en général. La société américaine Sunrise Genetics a publié pour la première fois le code génétique complet de la plante de cannabis, selon ce qui a été dévoilé ce mois-ci lors d'une conférence sur le génome des plantes et des animaux tenue à San Diego.

Le fait de connaitre les secrets de l’ADN du cannabis dévoilés par cette entreprise permettra aux autres entreprises du secteur cannabique d'étudier les effets sur l'organisme et les fonctions des différentes parties du végétal ainsi que ses composés (environ 500 sont connus, dont le THC et CBD). Ceci facilitera également l'analyse des différentes variétés et augmentera l'efficacité et rapidité des processus de culture et de sélection.

Toutes ces possibilités ouvrent la voie au développement de nouvelles substances tant dans le domaine récréatif que médicinal. D'une part, les entreprises élaboreraient des produits pour un public plus concret en spécifiant, par exemple, si elles produiront chez le consommateur un effet plutôt calmant ou excitant. Ce n'est absolument pas insensée d'imaginer une boisson énergétique ou un thé relaxant dont le cannabis serait l'ingrédient principal.

D’autre part, les études basées sur la carte génétique développée par Sunrise Genetics et dans d'autres initiatives afin de décoder l’ADN de la plante pourraient permettre d’identifier de nouvelles alternatives médicinales dérivées des composés du cannabis et promouvoir des essais cliniques prouvant sa viabilité. Par conséquent, il ne serait pas surprenant d'entendre parler à l’avenir d’un analgésique ou d'une alternative au Viagra avec des composants du cannabis.

Les cartographes du génome

Le projet de cette société, dont le siège est dans le Colorado, n’est pas le seul ni le premier à décrire la structure génétique du cannabis. Cependant, contrairement à d'autres cas, l'entreprise a su réunir et coordonner les ressources scientifiques nécessaires et garder une population de cannabis stable pour obtenir des résultats concluants. Le génome de la plante est formé de 10 pièces fondamentales et les techniques de séquençage à haute résolution de la compagnie permettent d'observer la composition de ces chaînes d'ADN et de savoir précisément la façon dont ces gènes sont répartis.

La vision globale que les découvertes apportent sur le matériel génétique du cannabis peut être comparée avec la connaissance apportée par une combinaison entre la carte d’un territoire, les noms détaillés de tous ses reliefs et les populations, et la capacité à calculer les distances entre les différents points. Cette cartographie génétique permet aux entreprises comme Sunrise Genetics d'identifier les propriétés et les caractéristiques de différentes variétés afin de développer des programmes de sélection basés sur cette empreinte unique pour chaque taux. 

Toutefois, utiliser l’information de l’ADN pour la sélection et l'amélioration des plantes n’est pas une nouvelle stratégie. De grandes entreprises l’ont utilisée dans des cultures comme celles du maïs, du blé ou du tabac. C'est le cas de Monsanto qui, en plus d’appliquer des techniques de modification génétique dans les graines, identifie les caractéristiques propres aux espèces végétales et les gènes responsables de ces attributs.

Si c'était déjà le cas dans d'autres secteurs, pourquoi cette carte génétique détaillée a tant tardé à arriver dans le cas du cannabis ? La raison principale est la quantité d'obstacles provoqués par les différentes et confuses conditions légales ou interdictions qui entourent le cannabis et son industrie.

Aux Etats-Unis, où la plupart des études sont menées sur les gènes de la plante, le cannabis est toujours considéré comme une substance illégale au niveau fédéral, bien que beaucoup d'Etats aient approuvé son usage récréatif et médicinal. Cette condition empêche les projets et les recherches autour du cannabis de recevoir le financement du Gouvernement américain, ralentissant ainsi toute avancée scientifique dans le domaine.

Les pionniers qui ont ouvert le chemin

Les premières équipes à étudier l'ADN du cannabis, comme celle dirigée par le professeur George Weiblen, de l'Université du Minnesota, faisaient face à d'importantes restrictions qui limitaient l'accès aux graines et l'accès à l'argent public, les obligeant à mettre au point des conditions de sécurité extrêmes dans les laboratoires.

Le projet de Weiblen, débuté en 2002, a été le premier à recevoir l'autorisation de la FDA pour analyser la génétique du cannabis. Suite à toutes les embuches auxquelles son groupe a fait face sur ce long chemin, il a seulement pu publier une étude sur les différences génétiques entre le chanvre et le cannabis après 12 années de recherches.

Toutefois, l'intérêt croissant pour la recherche dans ce domaine a encouragé de nouvelles initiatives, souvent basées sur le travail de pionniers tels que le scientifique de l'Université de Minnesota. En effet, dans une de ses études suivantes, Weiblen a fait en sorte de décrire une carte génétique préliminaire du cannabis, clef pour développer sa version complète.

Mais les problèmes posés par la législation doivent encore disparaître. Même aujourd'hui, alors qu'on estime que l’industrie du cannabis produira plus de 50 milliards de dollars (environ 40,8 milliards d’euros) en 2026, les obstacles continuent de gêner l’innovation dans les universités et les entreprises. Parmi ces limitations, son statut fédéral empêche Sunrise Genetics d'obtenir l’ADN des plantes, puisque pour cela ils doivent avoir accès aux feuilles. Bien que celles-ci ne fassent pas l'objet d'une consommation, il est officiellement considéré que les parties dont elles font partie le sont, c'est pourquoi les scientifiques qui en possèdent peuvent recevoir de dures sanctions. 

Cependant, une fois traitées et transformées en information génétique, ils sont libres d'échanger avec d'autres chercheurs ou de les envoyer par courrier. Les experts doivent être prudents sur tous les aspects, car les lois ne sont pas claires en ce qui concerne leur activité, et tout problème peut réduire à néant toutes leurs avancées.

Comme ils le font lorsqu'ils travaillent avec d'autres entreprises du secteur de l'agriculture, Sunrise Genetics espère pouvoir contribuer grâce à leurs découvertes à l’envolée des entreprises de l'industrie cannabique. Une autre tendance qui agite depuis un certain temps cet environnement pourrait servir de catalyseur : les fonds d'investissement privés, tant des Etats-Unis que du Canada, ont tourné leur regard vers les entreprises liées au marché et à la recherche sur le cannabis, une option qui permet de surmonter les faibles ressources économiques provenant du gouvernement.

Au fur et à mesure que de nouveaux produits et variétés avec incidence sur le marché seront développés, il est probable que le secteur cannabique attire de plus en plus d'argent en provenance de ces grands groupes et que l'industrie grandisse en suivant le nombre croissant de consommateurs attirés par les possibilités du cannabis à produire ces sensations de bien-être.