Des profils avec plusieurs milliers d’abonnés qui disparaissent, des publicités qui ne peuvent pas être achetées… le réseau social de Mark Zuckerberg est sûrement un des plus stricts en ce qui concerne la diffusion du cannabis. En revanche, Twitter serait peut-être le réseau social le plus canna-friendly pour mettre avant le commerce cannabique, ou simplement pour en parler. Dans tous les cas, les entreprises apprennent actuellement à faire en sorte d’éviter les fermetures de leurs comptes.

Si l’industrie cannabique n’avait pas déjà suffisamment de problèmes avec le manque de légalisation ou le rejet social (qui sont heureusement de moins en moins nombreux), les réseaux sociaux pseudo-démocratisants vont également à leur encontre. Des publicités interdites, des comptes suspendus… ces compagnies veulent profiter de la chance du 2.0 pour créer une communauté ou vendre leurs produits, mais ce n’est pas chose facile, et ils s’en plaignent.

Aux Etats-Unis, où Instagram et Facebook sont nés, plus d’une trentaine d’Etats ont légalisé le cannabis sous sa forme médicinale ou récréative, ou les deux. Les agences de publicité et de communication qui travaillent avec les entreprises du secteur dénoncent les interdictions de placer des publicités sur le cannabis sur certaines plateformes sociales et que, dans certains cas, certains de leurs comptes d’entreprises disparaissent.

C'est ce que raconte Isaac Dietrich, PDG de MassRoots, un réseau social qui a vu le jour afin de relier les amateurs de cannabis. Selon lui, le compte Instagram de MassRoots a été suspendu et ensuite récupéré plus de 3 fois. Dietrich critique le fait qu’Instagram et Facebook (qui a acheté la première) « ne semble pas indiquer clairement le type de contenu cannabique autorisé, et celui qui ne l’est pas ». L’agence Markyr Digital a vu la façon dont une publicité de Facebook pour un séminaire web pour devenir entrepreneur cannabique était acceptée, et alors qu'elle n’avait rien à voir avec la vente de la plante, elle avait finalement été supprimée trois semaines plus tard. « Nous ne parlions pas de consommation. Nous ne parlions pas de ventes. Nous ne parlions de rien qui aurait pu violer les politiques de Facebook », se plaignait Kyra Reed, fondatrice de l’agence.

Une partie du mystère est sûrement liée à l’interdiction fédérale de la consommation de cannabis. Cela rend plus difficile le fait que les marques puissent se promouvoir, car tous les Etats ayant régulé l’usage du cannabis disposent de leurs propres lois. C’est pourquoi, dans le Colorado (où la légalisation est médicinale et récréative) vous ne pouvez pas acheter d’espace de publicité digitale ni d’espace publicitaire à la télévision si vous ne pouvez démontrer que moins de 30 % des visiteurs du site ou du programme ont moins de 21 ans. Cela est assez facile, par exemple, dans une programmation d’émissions pour enfants, mais sur un réseau social c’est plus compliqué. D’autre part, en début 2017, deux boutiques cannabiques de Fort Collins, ont disparu de Facebook et d’Instagram, sans avoir d’explications apparentes.

Selon Dietrich, ils ont au moins pu utiliser des influencers pour leurs campagnes et n’ont eu aucun problème pour faire de la pub sur Twitter, c’est pourquoi sur ce dernier réseau social, ils ont dépensé plus de 150 000 dollars (environ 123 000 euros) lors des deux dernières années. Ils ont également eu du succès avec les vidéos puisque sur Snapchat, ils ont reçu des milliers de visites. Ils essayent d’offrir un contenu plus varié : des informations sur l’industrie, des rapports de produits, un peu d’humour… 

Bien que MassRoots ait eu du succès avec les influencers, ceux-ci peuvent également être en danger : s’ils prennent part à une campagne sur leurs profils personnels avec des produits de marques cannabiques, ils risquent la suspension de leur compte.

The Lift Cannabis, un site faisant des comptes rendus sur les variétés de cannabis médicinal, a vu son compte Instagram suspendu du jour au lendemain et a perdu plus de 11 000 abonnés, quelques jours avant un événement qu’ils sponsorisaient. Par chance, ils ont porté réclamation auprès d'Instagram, et ont obtenu la récupération du compte, avec des excuses en prime. Krista Whitley, fondatrice d’une agence de ventes et de marketing pour les marques de cannabis, a critiqué le fait que les réseaux sociaux aient des règles plus strictes pour leurs produits que pour d’autres tels que l’alcool, malgré la légalisation de la plante dans de nombreux Etats.

La application de photographies est très claire en ce qui concerne ses directives pour la communauté : il est interdit de proposer, de vendre ou d’acheter certaines substances, même si elles sont légales dans leur région. C’est pourquoi certaines images sont souvent évitées : la fumée, ou tout simplement fumer, les promotions… Le fait d’ajouter des photos de graines de cannabis vendues dans un Growshop ou un dispensaire, sans donner plus de détails sont généralement une bonne alternative aussi sur d’autres réseaux sociaux, comme nous allons le voir ci-dessous.

Des problèmes aussi sur YouTube

Les problèmes sont également arrivés jusqu’à d’autres plateformes de contenu, comme YouTube. L’intérêt de plus en plus important pour le cannabis a fait que de nombreuses personnes utilisent leurs vidéos comme une façon de partager leurs techniques de culture ou d’exprimer leurs idées sur la plante. Certains experts en la matière ayant commencé sur d’autres plateformes ont voulu s'y essayer, car le contenu pouvait être monétisé grâce au système de publicité de Google.

Cependant, il y a eu certains changements dans leur politique : désormais, les vidéos sur le cannabis sont considérées comme des contenus sensibles pour les publicitaires, qui sont ceux qui placent les publicités et grâce auxquelles ils pourront ensuite récupérer une partie des revenus. De plus, selon certains médias cannabiques, l’algorithme a été modifié afin que le contenu soit plus dur à trouver ou à voir.

De cette façon, il y a moins d’argent à redistribuer, mais les vidéos sur le sujet sont toujours aussi nombreuses, car ces blogguers ne veulent pas jeter l’éponge. Et ça aide énormément que nombre d’entre eux aient des milliers ou des millions de followers, comme StrainCentral (avec 481 000 abonnés), avec un fort penchant éducatif, ou encore CustomGrow420 (1,4 millions). Donc, en laissant de côté les algorithmes et les programmes de monétisation, il n’y a généralement pas de censure du contenu.

Comment lutter contre les interdictions ?

Certains professionnels du marketing digital pensent que la situation de la publicité cannabique ne s’améliorera pas, et qu’elle pourrait même empirer si les mêmes restrictions sont appliquées aux Etats-Unis qu’avec l’industrie du tabac. Cependant, mis à part ce que nous avons commenté précédemment sur Instagram ou Snapchat, il existe certaines astuces que les marques utilisent déjà pour poursuivre leur activité sur les réseaux sociaux.

Twitter devient une véritable zone de pêche pour un bon nombre d’entre elles grâce à leur politique plus permissive. Dans leurs messages courts vous pouvez partager des données, des posts, des images… Et à cela vous pouvez ajouter la politique de l’entreprise qui est assez vague, et qui encourage à créer et à partager des idées et des informations en temps réel. À l’heure d’ajouter des publicités, vous pouvez le faire sur des informations ou des événements, mais pas sur des produits cannabiques. 

La même chose pour Facebook. L’industrie a déjà compris qu’en fonction du pays ou de la région, le cannabis est autorisé, et qu’il est préférable de ne pas promouvoir les équipements, les photos de cannabis, les têtes ou les produits. C’est pourquoi ce n’est pas la meilleure plateforme pour acheter des espaces publicitaires. Partager des informations ou des posts ne devrait pas vous créer de problèmes. Dans sa politique de publicités interdites, Facebook explique que ces messages ne peuvent encourager la vente, la prescription ou l’usage de substances illégales (bien qu’une nouvelle fois, elles soient légales dans une région bien précise). Les photos de joints ou de bangs sont aussi interdites.

Si les réseaux sociaux continuent de rendre la vie difficile à l’industrie cannabique, il restera toujours l’option des newsletters ou des sites internet eux-mêmes. Mais l’idéal serait évidemment que les entreprises technologiques se montrent plus réceptives à ce changement inarrêtable. Cependant, il semblerait que tout cela ne soit possible que lorsque la légalisation massive ira de l’avant.