Le cannabis médical est devenu le bélier faisant tomber le mur prohibitionniste qui maintient le cannabis et ses dérivés dans le vide juridique depuis des années. La même loi franquiste qui a  interdit en Espagne l’usage récréatif de stupéfiants en 1967 - toujours en vigueur aujourd'hui- a établi toutefois, quatre exceptions : l’usage thérapeutique, scientifique, industriel et de l’enseignement, aussi bien du cannabis que celui des autres « stupéfiants » y compris l’héroïne et la cocaïne.

En d’autres termes, « une loi approuvant l’utilisation du cannabis médical n’est pas nécessaire, dans la mesure où celle-ci a déjà été envisagée dans la Loi sur les stupéfiants de 1967» tel que l’explique le chercheur Juan Carlos Usó lors d’une conversation téléphonique.

L’histoire de la loi 17/1967 est curieuse : Il s’agit de l’élaboration de la Convention de 1961 des Nations Unies sur les stupéfiants réalisée en Espagne à cette époque. En dépit d’être une loi franquiste et de ne pas être réglementée, elle reste en vigueur puisqu’elle a été approuvée « lors du débat parlementaire sur la loi Corcuera en 1992 », d’après Usó.

Selon l’article 22 de la loi précitée : « Seul l’usage industriel, thérapeutique, scientifique et dans l’enseignement est autorisé en vertu de la présente loi ».

Si des doutes persistaient sur la légalité de l’usage du cannabis médical en Espagne, un Décret Royal approuvé en 2015 approuve, dans son article 51, la vente de plantes d’usage traditionnel : « Les plantes considérées traditionnellement comme étant médicales et offrant sans référence des propriétés thérapeutiques, diagnostiques ou préventives, peuvent être librement vendues.»

Il faut tenir compte du fait que « l’usage médical du cannabis est entièrement documenté en Espagne depuis le début du XIXe siècle », nous a rappelé José Carlos Bouso autour d’une table ronde lors de la dernière ExpoGrow d’Irun. Cela permettrait d’ouvrir une petite brèche juridique par laquelle pourrait pénétrer le cannabis médical, qui d’ailleurs, se vendait librement et ouvertement dans nombreux stands de la Foire.

Selon Bouso, « le millepertuis est un médicament traditionnel qui peut être vendu dans les pharmacies et les herboristeries sans besoin d’indiquer qu’il est utilisé pour traiter la dépression. Il est dit qu’il sert à améliorer l’humeur, c’est aussi un énergisant. Bien sûr, il n’existe pas pour le millepertuis, autant de documentation que sur le cannabis, qui pourrait donc, partant de ce principe, être vendu dans les herboristeries ».

Plus précisément, le psychiatre Andrés Roig Traver de l’Université de Valence, a écrit une étude académique intitulée « Quelques commentaires sur l’utilisation des dérivés du cannabis », dans laquelle sont répertoriés plusieurs centaines de produits médicaux commercialisés depuis 1800 jusqu’à 1939 : des cigarettes de cannabis Indica de Grimault conseillées pour l’asthme, une liqueur de haschisch Montecristo, distillée dans une usine d’Albal, un village valencien et dont Usó conserve, bien fier, une bouteille, mais malheureusement vide.

Avec de tels éléments, « si j’avais un problème juridique pour usage de cannabis, je n’hésiterais pas à me réfugier dans cette loi franquiste », dit Usó. Pour sa part, José Carlos Bouso est surpris car - jusqu'à présent, aucune entreprise n’a profité de cette faille juridique que permet le décret de 2015, pour vendre du cannabis médical. Pourquoi ? Probablement par méconnaissance.


BOE : Loi 17/1967 sur les stupéfiants

BOE : Décret Royal 1/2015 de la Loi des garanties et de l’utilisation rationnelle des médicaments et des produits sanitaires.