Alexis Bortell, l’enfant texane de 11 ans, a déposé une plainte contre le procureur général des États-Unis du fait de la position du gouvernement fédéral vis à vis de l’usage thérapeutique du cannabis. C’est ainsi que la jeune activiste devient la face visible de ceux que l’on nomme les réfugiés du cannabis médicinal, les personnes qui ont dû émigrer de leur état à la recherche d’une législation portant sur les traitements à base de cannabis dont ils ont besoin. Dans le cas de Bortell, elle a dû déménager avec sa famille au Colorado pour mener une vie normale grâce à l’huile de cannabis, un médicament qui lui a permis d’éliminer les crises d’épilepsie dont elle souffrait depuis toute petite.

Vingt-neuf états et le District de Columbia, à Washington D.C, ont déjà une loi qui réglemente le cannabis médical, et huit autres états ont approuvé l’usage récréatif. Toutefois, cette avancée américaine n’apporte pas les effets attendus, étant donné que le cannabis reste illégal au niveau fédéral. Une situation qui oblige de nombreuses personnes à quitter leur foyer et à migrer vers des états dans lesquels la loi tient compte de leurs maladies et des traitements à base de cette plante.

Le cas d’Alexis Bortell n’ayant que 11 ans, est particulièrement compliqué, car elle se trouve depuis longtemps dans cette lutte et, malgré le fait que le Texas ait progressé en rapport à la légalisation du cannabis médical, elle a dû partir au Colorado. Le gouvernement républicain de son état a approuvé l’utilisation d’huiles à faible teneur en THC ou CBD pour les cas d’épilepsie réfractaire comme celle de Bortell. Mais une si faible dose n’était pas suffisante pour atténuer les crises de cette enfant qui a besoin d’un traitement à base de toutes les qualités de la plante, y compris des doses élevées de THC.

Cela a forcé la famille Bortell à déménager vers l’état du Colorado, dans lequel la loi permet d’obtenir le traitement complet. Même si Alexis peut maintenant recevoir le médicament dont elle a besoin, et que par conséquent son état de santé s’est amélioré, sa situation de migration forcée ne lui facilite la vie. Au Texas, Alexis pourrait aller à l’Université gratuitement au travers du ministère d’éducation publique, alors qu’elle ne pourrait pas le faire au Colorado. De plus, cette dépendance médicinale les empêche, ses parents et elle de voyager vers d’autres états de peur que ses parents soient poursuivis pour possession de cannabis ou que la garde de leur fille leur soit retirée. 

Alexis ne peut même pas rendre visite à ses grands-parents qui vivent au Texas, puisqu’elle a besoin de prendre ses médicaments tous les jours et elle ne peut pas les emporter avec elle. Comme cette petite, il y en a beaucoup d’autres qui souffrent à cause de cet isolement dû à leur maladie. Ils se sont contactés afin de mettre en marche une procédure ayant cependant peu de chance de prospérer, mais qui met en lumière leur situation de « réfugiés » et ouvre le débat dans ce pays.

Michael Hiller, l’avocat de la jeune militante, croit qu’« Alexis est normale et à la fois unique » parmi les voix concernées qui ont porté plainte contre le procureur général. « Elle est normale dans le sens qu’elle souffre comme les autres d’une condition médicale qui n’est traitable que par l’utilisation de cannabis médical. Mais en même temps, elle est extraordinaire pour son courage, sa franchise et sa bravoure. C’est la personne de 11 ans la plus courageuse que j’ai connue », expliquait Hiller dans une interview.

Il est évident qu’Alexis ait reçu à tout moment, toutes les indications de la part de ses parents, mais Hiller dit que sans sa force pour aller de l’avant, cette plainte n’aurait pas progressé. « Elle n’est en aucun cas une participante passive, elle se défend comme personne, c’est une lionne, elle est merveilleuse » affirmait l’avocat.

La guerre ouverte du gouvernement fédéral contre le cannabis

La législation sur les Substances Contrôlées des États-Unis classifie le cannabis en tant que stupéfiant de la liste I, ce qui veut dire que comme l’héroïne, son utilisation médicale n’est pas permise au niveau fédéral. La plainte de 88 pages, préparée par Hiller et trois autres avocats, cherche à faire valoir qu’une telle désignation légale du cannabis n’a aucun fondement et qu’il s’agit d’une problématique pouvant violer la Constitution.

Jeff Sessions, Procureur général de l’État, est l’objectif visé par cette plainte en raison des nombreuses déclarations faites, à la tête du ministère de la Justice depuis que Trump est au pouvoir. Sessions a montré une opposition claire vis à vis de la plante, affirmant que « les bonnes gens ne fument pas de cannabis » et menaçant de recourir à la loi fédérale pour en finir avec les entreprises cannabiques qui agissent dans les états où la plante est légale. Contre la vague de légalisation qui parcourt les États-Unis, Sessions incarne la main lourde du gouvernement de Trump, mettant tout en œuvre pour la persécution de manière radicale.

Aux côtés de la petite Alexis Bortell, les demandeurs qui ont adhéré l’action en justice contre Sessions sont : Marvin Washington, un ancien joueur de football de la NFL qui ne peut pas participer au programme fédéral des petites entreprises pour développer son entreprise de médicaments à base de cannabis ; Jose Belen, un ancien combattant qui ne peut pas recourir aux services médicaux fédéraux pour obtenir du cannabis afin de traiter ses troubles de stress post-traumatique ; le père de Jagger Cotte, un enfant de six ans qui souffre du syndrome de Leigh nécessitant un traitement cannabique et l’Association Culturelle du Cannabis, qui représente un grand groupe d’afro-américains qui croit que les politiques de la maison blanche sont enracinées dans le racisme.

« Cette plainte a pour but de permettre à des dizaines de millions d’américains qui ont besoin de cannabis, mais qui ne peuvent pas l’obtenir en toute sécurité pour le traitement de leur maladie et dont le succès dépend des propriétés curatives de la plante » explique le texte de la plainte.

Le fait que le procureur général cherche à faire perdre tout le terrain gagné, a mobilisé certains secteurs de la société comme ceux que représentent Alexis Bortell et les siens, parce que Sessions veut aussi bloquer l’utilisation des fonds fédéraux afin d’éviter que les états promulguent leurs propres lois telles que celles qui ont légalisé l’usage du cannabis. À cet effet il s’appuie sur des arguments personnels et non scientifiques, des suppositions sur les effets graves sur la santé ou l’augmentation de la criminalité. « Je pense qu’il serait imprudent pour le Congrès de limiter les mesures prises par notre ministère pour financer des processus particuliers, au beau milieu d’une épidémie historique de drogues et d’une augmentation potentielle et à long terme de la violence et du crime, » a affirmé Sessions dans une de ses interventions face aux caméras.

Les déclarations du Procureur général sont un stigmate de plus sur une communauté qui, comme en témoignent des histoires telles que celle d’Alexis, qui veut seulement vivre normalement comme les autres. Une guerre et une croisade du gouvernement sur le cannabis qui affectent directement les familles et les personnes qui ont vraiment besoin de cannabis à des fins thérapeutiques.