Les répercussions de la légalisation du cannabis en Uruguay ne se sont pas fait attendre et cela n’a échappé à personne. En effet. Dans les pays voisins, nombreuses sont les voix qui se sont élevées pour demander des réformes législatives pour donner plus de liberté aux fumeurs de cannabis. En Argentine, la réaction a été immédiate et ceux qui crient à la dépénalisation totale sont nombreux, même au sein du gouvernement.

Les eaux sont troubles des deux côtés du Río de la Plata depuis que le président de l’Uruguay, José Mújica, fit le premier pas et obtint l’approbation du Parlement de son pays pour légaliser aussi bien la culture que l’utilisation du cannabis. Avec cette décision, c’est maintenant aux pays limitrophes de faire le pas suivant. La balle est maintenant dans le camp de l’Argentine qui hésite entre suivre l’exemple de ses voisins et tenter d’approuver la consommation de cannabis afin d’essayer de limiter le pouvoir des cartels, ou suivre le sentier de l’immobilisme.

Les premiers pas ont déjà été faits. Le secrétaire argentin de la Sécurité, Sergio Berni, utilisa quelques paroles du légendaire trafiquant de drogue colombien Pablo Escobar pour illustrer son point de vue pour la légalisation du cannabis. “Il disait qu’il est mathématiquement impossible que la persécution policière triomphe sur le trafic de drogue, et c’est vrai. C’est le jeu du chat et de la souris", a dit Berni ‘le Fou’, surnom utilisé en Argentine pour parler de cet médecin et militaire devenu politicien.

Dans un programme de radio, Berni a reconnu que les premiers contacts avaient déjà eu lieu entre les pays producteurs comme le Paraguay et les consommateurs, voire le cas de l’Argentine ou le Brésil, où on a constaté la stérilité de la lutte contre le trafic de drogue. Pour cette raison, aussi bien lui que le chef de Cabinet du Gouvernement argentin, Jorge Capitanich, se sont exprimés pour défendre la voie prise par l’Uruguay décembre dernier: la dépénalisation totale de la consommation et de la production de cannabis.

En 2012 déjà, la Chambre Fédérale de la ville de La Plata, capitale de la province de Buenos Aires, avait déclaré inconstitutionnel l’article de loi qui condamnait tous ceux qui semaient ou cultivaient chez eux du cannabis ou qui avaient en leur possession des graines. Avec cette mesure, les magistrats exemptaient de toute responsabilité tous ceux qui avaient du cannabis pour la propre consommation, puisqu’il va à l’encontre de l’article 19 de la Constitution argentine, qui protège les actes privés des citoyens.

Cette révision de la loi des stupéfiants fut motivée par le bien connu comme le Jugement Arriola. En février 2009, la Chambre Nationale des appels Criminels et Correctionnelles Fédérale fait le premier pas en dépénalisant la culture et la possession de cannabis pour sa propre consommation. La haute cours acquitte cinq jeunes arrêtés par la police avec des cigarettes contenant un peu de cannabis.

Le tribunal estima que “la quantité et les circonstances autour de ce fait permettent d’affirmer que la culture ou l’ensemencement du cannabis trouvé n’étaient destinés qu’à un usage personnel”. En même temps, l’un des points de la loi qui punissait avec des peines d’entre quatre et quinze ans tous ceux qui consommaient leur propre culture, fut déclaré anticonstitutionnel. Ce qui, même si ce n’est pas encore prévu par la loi, est en train d’être appliqué par les autorités argentines. Il suffit de regarder les statistiques : 60 % des 12.000 procédures judiciaires annuelles qui débutent pour possession de cannabis sont finalement rejetées.

Depuis 2010, huit sont les projets qui ont été présentés par plusieurs personnalités politiques pour procéder à la réforme de la loi actuelle de stupéfiants en Argentine, en vigueur depuis 1989. La plupart d’entre eux, proposant des réformes partielles, pointent vers une même direction et visent à réduire le poids de la loi pénale, surtout vis-à-vis des consommateurs. Le projet présenté par Graciela Camaño est le seul à encourager une rénovation à l’inverse, c’est-à-dire, à augmenter les peines.

De son côté, Aníbal Fernández a présenté un projet de réforme intégrale dans le but de pousser l’actuelle législation à envisager, d’une bonne fois pour toutes, la dépénalisation de la possession de cannabis pour un usage personnel. Ce sénateur kirchnériste propose cette réforme dont le but principal consiste à prendre soin de la santé des consommateurs et, ensuite, s’attaquer au trafic de stupéfiants.

En attendant que les autorités se décident à entreprendre les changements que réclament aussi bien les citoyens que les membres du gouvernement, quelques-uns ont déjà commencé à étudier le marché du cannabis. Dans l’attente de ces prochains changements de la loi, à la mi 2013 il y avait déjà 50 établissements ouverts en Argentine qui vendaient le matériel nécessaire à la culture de Marie Jeanne, dont 20 d’entre eux à Buenos aires.

Il y en a qui préfèrent traverser la frontière avec l’Uruguay pour avoir leur cannabis. Une possibilité qui disparaîtra dès que les pharmacies du pays commenceront à vendre du cannabis seulement aux résidents uruguayens inscrits sur un registre préétabli. Il manque encore six mois pour cela. D’ici là, le gouvernement de Cristina Fernández de Kirchner se sera-t-il attaqué à ce sujet ?

Source de l’information El País, El Mundo, La Nación (et 2), Semana, Clarín (et 2) et LaRed21.