Après avoir conçu pendant presque vingt ans des espaces et des expériences pour Disney et ses parcs d’attractions, Johnnie Rush est désormais chargé de moderniser l'image de dispensaires de cannabis en tant que responsable innovation de The McBride Company.

Si on peut dire une chose sur les Disney Lands et Disney World, c'est que c'est une expérience tout à fait différente de les visiter. L'un des responsables de cela est l'architecte Johnnie Rush, qui a travaillé pendant presque deux décennies pour la société, entre autres en tant que vice-président du Global Retail Development de Walt Disney Imagineering, une organisation créée par Walt Disney lui-même chargée de gérer les parcs d'attractions de la multinationale.

Après avoir gagné plus de 30 prix internationaux, avoir dirigé des projets aussi notoires que la Bibbidi Bobbidi Boutique et les Star Wars Weekends ou s'être attaqué à la personnalisation du merchandising grâce à l'impression 3D avec D-Tech Me, ce prestigieux créateur d'espaces et d'expériences commerciaux originaux est passé à l'industrie du cannabis il y a quelques ans.

L'entreprise américaine The McBride Company l'a engagé comme Chief Business Innovation Officer pour qu'il traduise les secrets de son succès à ce secteur en plein décollage. Entre autres, il a été chargé du design des établissements que Pineapple Express veut ouvrir partout aux Etats-Unis dès que le cannabis sera légalisé à l'échelon fédéral.

Depuis ce premier travail, ils ont réalisé environ une douzaine de projets au sein du secteur, cherchant toujours à s’éloigner de l'apparence improvisée ou même négligée qui caractérise beaucoup de dispensaires. « Normalement, c'est un espace qui paraît provisoire ou peu accueillant, un endroit où l'on ne devrait pas être », Rush explique-t-il. Voici l'héritage laissé par des décennies de clandestinité et de transactions cachées qui sont sorties au grand jour sans se soucier de changer leur apparence.

Mais le temps de la prohibition est en train de s'achever, et les dispensaires poussent comme des champignons partout où le cannabis se dépénalise. Vu qu'il y a des centaines d'alternatives, « chaque dispensaire va devoir être compétitif dans deux aspects : sa marque et sa relation avec le client », déclare l'architecte. Ceux qui ne parviennent pas à ancrer leur nom dans la mémoire des gens resteront sur le carreau, et ceux qui trouvent un moyen de se distinguer s'imposeront. « Une fois qu'une personne a trouvé sa marque préférée, elle conduira où il faut pour y aller », raisonne Rush.

Nombreux sont les marques qui vous viendront à l'esprit lorsqu'il s'agit de donner des exemples de réussite d'autres secteurs. Quelques-unes, comme l'iPad par exemple, sont même parvenues à ce que leur nom devienne le nom générique d'un produit. De fait, Apple est l'une des marques que les clients de McBride mentionnent le plus souvent en expliquant ce qu'ils recherchent.

Aux yeux de Rush, ce serait une erreur d'emprunter la même voie. « Il ne s'agit pas d'imiter quelqu'un, cela serait trop facile », prévient-il. « Sans une histoire qui l'appuie ou un travail qui l'explique, la marque n'aurait aucun sens […]. Aussi minimalistes que les Apple Stores puissent paraître, ils investissent des dizaines de millions de dollars dans la gestion de la perception de la marque. »

Ce n'est pas donné, mais ça peut valoir le coup. Du moins, c'est ce que Matthew Feinstein, le PDG de Pineapple Express, croit lui aussi. Sa mission, selon lui, est de « moderniser l'industrie légale du cannabis » en créant une expérience qui « non seulement plaît [aux patients et aux consommateurs], mais leur inspire aussi de la confiance ».

Nulle trace du comptoir typique avec quelques vendeurs d'un côté et de longues queues de clients qui attendent leur tour de l'autre – l'espace que McBride a conçu pour l'entreprise rompt tous les stéréotypes habituellement associés au cannabis, offrant une expérience d'achat agréable et accomplie grâce à des écrans tactiles (où les clients peuvent s'informer sur les différentes variétés à la vente), des installations créatives, des vitrines comme dans une boulangerie (pour les produits comestibles) et des meubles luxueux.

Mais la véritable vedette de cette boutique inspirée de l'esthétique des ressorts hawaïens est le Mystic Pineapple. Cet « ananas mystique » renvoie à une substance légendaire du monde cannabique qui transporterait ses consommateurs dans un état d'extase totale sans aucun type d'effet secondaire. L'immense fruit tropical est non seulement la coulisse parfaite pour des selfies, mais dispose également de détecteurs de mouvement pour pouvoir reconnaître les clients qui s'approchent et leur recommander des variétés de cannabis.

Parmi les créations de McBride pour l'industrie du cannabis, il y aussi le dispensaire East Indica, dont le nom fait référence aux origines de la nation américaine elle-même. Lors de leur rébellion contre la Grande-Bretagne dans le port de Boston, les colons ont détruit une cargaison de thé de la Compagnie anglaise des Indes orientales (« East India Company » en anglais) pour montrer leur désaccord avec une loi douanière que la métropole venait d'approuver afin de protéger les intérêts de l'entreprise.

C'est en mémoire de cet événement que l'esthétique de l'établissement, de la décoration intérieure jusqu'à l'empaquetage des différents produits, est inspirée par celle des boutiques de thé de l'époque, et que le message de la révolution américaine avec ses valeurs de liberté et de camaraderie est également présent.

Ce ne sont que deux des nombreux concepts élaborés par Rush et ses collègues visant à éloigner les dispensaires des clichés et des connotations négatives des temps du prohibitionnisme desquels le cannabis reste toujours empreint. Stoned Age ou The Glass Pipe sont d'autres entreprises ayant profité des leçons que cet expert du branding a apprises en presque vingt ans chez Disney.

Car le cannabis et les parcs d'attractions ont plus en commun qu'il n'y paraît, du moins en ce qui concerne le marketing. « Au fond, c'est la même chose : raconter une histoire qui crée un lien affectif », estime l'architecte. « Nous appliquons la même façon de penser à l'industrie du cannabis, une industrie ayant toujours opéré dans l'ombre. »